Amazon condamné à livrer uniquement des produits de première nécessité

Auteur : Laurie COMERRO |  Droit commercial et des sociétés – Droit de l’immobilier – Droit de la construction – Droit des assurances

Ordonnance de référé du 14 avril 2020 qui condamne Amazon France Logistique à ne livrer que les produits de première nécessité

La presse et les médias se sont fait l’écho de la décision rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre le 14 avril dernier et qui condamne la Société Amazon France Logistique (Amazon) à ne plus livrer que des produits de première nécessité.

Que dit l’ordonnance et quelles sont les conséquences ?

En l’espèce, le juge des référés du TJ de Nanterre a été saisi le 08 avril 2020 par l’union syndicale Solidaires (Sud) qui demandait :

  •  A titre principal, la fermeture des six entrepôts français d’Amazon France Logistique et ce dans la mesure où ces entrepôts rassemblent plus de 100 salariés en un même lieu clos, ce qui est prohibé pendant la période de confinement actuelle,
  • A titre subsidiaire, qu’Amazon Logistique France soit contrainte de réduire son activité aux 10 % de marchandises « essentielles » et par conséquent de diminuer d’autant le nombre de salariés présents sur les sites français.
  • En tout état de cause qu’il soit procédé à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de Covid-19, et à l’issue de l’évaluation la mise en place de geste barrière et d’équipements adaptés et ce sous astreinte de 100 000 euros par infraction.

Au terme de l’ordonnance dont s’agit, rendue le 14 avril, le juge des référés, sur le double fondement de l’existence d’un trouble manifestement illicite et de la nécessité de prévenir un dommage imminent :

  • A condamné la Société Amazon à procéder à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid19
  • A condamné la Société Amazon à restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, sous astreinte, de 1 000 000 d’euros par jour de retard et par infraction constatée, pendant une durée maximum d’un mois.

Au soutien de sa décision, et pour parvenir à une telle condamnation, le juge des référés a considéré que si « des mesures ont été prises et que l’organisation du travail a été constamment modifiée pour répondre à l’évolution de la situation », il apparait en l’espèce que « la société ne justifie pas que les nouveaux process ont été formalisés », ni que les salariés ont été correctement informés de ces changements « opérés sans concertation préalable avec les représentants du personnel ».

Le juge des référés insiste notamment sur le fait que « le risque de contamination s’agissant de l’utilisation des vestiaires [qui] n’a pas fait l’objet d’une évaluation suffisante », ou encore le fait que les protocoles de nettoyage renforcés n’ont pas été communiqués mais également qu’il existe un risque de contamination du fait de la manutention des cartons ou encore du non-respect des distanciations sociales.

Le juge des référés en conclu donc que : « La Société Amazon France a méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé de ses salariés, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. Le non respect de cette obligation rend également nécessaire de prévenir un dommage imminent constitué par la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à d’autres personnes ».

Le juge des référés a toutefois débouté l’Union Syndicale Solidaires (Sud) de sa demande tendant à voir fermer les entrepôts.

En effet, et sur ce point, le juge des référés a suivi l’argumentaire soutenu par Amazon et qui consistait à soutenir que l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes ne s’appliquaient pas aux entreprises et que le décret visé par les requérants ne restreignait nullement la liberté d’entreprendre.

Suite à cette décision, la Société Amazon France Logistique a décidé de fermer ses entrepôts pendant une durée de 5 jours et a interjeté appel de la décision.

Si la prudence a prévalu dans le choix d’Amazon de procéder à la fermeture des entrepôts, on peut regretter qu’il n’existe aucune définition des produits d’hygiène, pour lesquels une interprétation reste possible.