Nouvelles conditions de retrait et d’abrogation d’une décision créatrice de droits

Solenn LE DOUARINContentieux administratif – Droit des collectivités territoriales – Droit public général

L’administration ne peut plus ni retirer ni abroger une décision entachée d’un vice de procédure qui n’est pas susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ou qui n’a privé la personne concernée d’une garantie.

L’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui a codifié le principe établi par l’arrêt Ternon (CE, 26 octobre 2001, Ternon, n°197018), dispose que « L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».

Ainsi, l’administration ne peut retirer ou abroger une décision créatrice de droit qu’à deux conditions :

  • Que cette décision soit illégale ;
  • Que ce retrait ou cette abrogation intervienne dans les 4 mois suivant la prise de cette décision.

Par un arrêt du 7 février 2020 (CE, 7 février 2020, n°428625), le Conseil d’État est venu préciser la première condition.

En effet, la Haute juridiction a rappelé le principe issue de son arrêt Danthony (CE, 23 décembre 2011, Danthony, n°335033) selon lequel « Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ».

Ainsi, en combinant les jurisprudences Ternon et Danthony, le Conseil d’État a conclu qu’« une décision créatrice de droits, entachée d’un vice qui n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de cette décision et qui n’a pas privé les intéressés d’une garantie, ne peut être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l’administration de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ». 

En pratique, cela signifie que l’administration ne pourra plus ni retirer ni abroger une décision entachée d’un vice de procédure qui n’est pas susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ou qui n’a privé la personne concernée d’une garantie.

En conséquence, si l’administration identifie un vice de procédure entachant une décision qu’elle souhaite retirer ou qu’un tiers lui a demandé de retirer, elle devra préalablement au retrait ou l’abrogation de cette décision, vérifier si cette irrégularité est de nature à entrainer son annulation au sens de la jurisprudence Danthony.

Le cas d’espèce en est une parfaite illustration : la requérante demandait de suspendre l’exécution de l’arrêté par lequel Maire avait retiré l’arrêté par lequel elle avait été détachée dans l’emploi fonctionnel de directeur général des services.

Selon les textes applicables au litige, le détachement d’un agent dans l’emploi de DGS devait intervenir après la consultation préalable de la commission administrative paritaire compétente.

Or, cette consultation préalable constituant, selon le Conseil d’État, une garantie au bénéfice de l’ensemble des agents candidats à ce détachement, et partant, un vice de nature à entacher la décision d’illégalité.

Dans ces conditions, l’administration a pu régulièrement retirer cet arrêté illégal.

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Retrouvez ici la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000041555215&fastReqId=2100201103&fastPos=1