Renforcement des pouvoirs de police du Maire

Auteur : Véronique Bieder | Contentieux administratif – Droit de l’urbanisme – Droit public général – Fonction publique – Marchés publics


Le nouvel article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales,  ou le renforcement des pouvoirs de police du Maire.

 

 

Code général des collectivités territoriales et renforcement des pouvoirs de police du Maire

En cette période de campagne électorale des municipales, la récente loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique tend, notamment, et fort à propos, à renforcer les pouvoirs du Maire en matière de police administrative.

En effet, le Titre 3 du texte, intitulé « Libertés locales : renforcer les pouvoirs de police du Maire », entreprend de préciser et d’élargir les prérogatives des édiles en cette matière. Particulièrement, l’article 53 de la loi rétablit l’article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), selon les termes duquel « Peut donner lieu à une amende administrative d’un montant maximal de 500 € tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu ».

Un nouveau pouvoir de sanction

Ce pouvoir d’infliger une amende administrative dans le cadre de ces dispositions reste toutefois limité à quatre situations présentant un risque pour la sécurité publique :

  • En matière d’élagage et d’entretien des arbres et des haies donnant sur la voie ou le domaine public ;
  • Lorsque le manquement a pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine public, par l’installation, sans nécessité ou sans autorisation, de tout matériel ou objet, ou par le déversement de toute substance ;
  • Lorsqu’il consiste, au moyen d’un bien mobilier, à occuper à des fins commerciales la voie ou le domaine public soit sans droit ni titre, lorsque celui-ci est requis, soit de façon non conforme au titre délivré en application de l’article L. 2122-1 du CGCT, lorsque cette occupation constitue un usage privatif de ce domaine public excédant le droit d’usage appartenant à tous ;
  • En matière de non-respect d’un arrêté de restrictions horaires pour la vente d’alcool à emporter sur le territoire de la commune, pris en application de l’article L. 3332-13 du code de la santé publique.

L’article L. 2212-2-1 du CGCT indique précisément l’exercice de cette nouvelle prérogative du Maire.

Ainsi, le manquement doit d’abord être constaté par procès-verbal d’un officier de police judiciaire, d’un agent de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire adjoint, puis notifié à l’intéressé avec indication des mesures nécessaires pour le faire cesser et des sanctions encourues.

De plus, la notification doit mentionner la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours ; à l’expiration de ce délai, à défaut d’exécution des mesures nécessaires, le Maire met l’intéressé en demeure de se conformer à la réglementation dans un nouveau délai de dix jours.

Ce n’est qu’à l’issue de ce second délai, et dans l’hypothèse où les mesures prescrites pour faire cesser le manquement n’auraient pas été exécutées, que le Maire peut prononcer l’amende administrative, dont le montant, « fixé en fonction de la gravité des faits reprochés », bénéficiera à la commune.

Cette décision, doit, bien sûr, être motivée et indiquer les voies et délais de recours ; elle mentionne également les modalités et le délai de paiement de l’amende. Elle est notifiée par écrit à l’intéressé, transmise au contrôle de légalité, et est susceptible de faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative.

L’évolution des pouvoirs de police du Maire pour renforcer l’efficacité de son action

Rappelons que, avant ces dispositions, le Maire, constatant de tels manquements, ne pouvaient que les signaler au Procureur de la République, lequel engageait alors ou non des poursuites pénales. L’évolution des pouvoirs de police du Maire est donc conséquente, et devrait tendre au renforcement de l’efficacité de son action tout en restant, selon le Conseil d’État, dans un cadre conventionnel et constitutionnel.

Le Conseil d’État avait en effet été saisi, le 26 juillet 2019, d’une lettre rectificative au projet de loi, et avait rendu son avis au gouvernement (avis n° 398312) lors de sa séance du 5 septembre 2019.

Concernant les dispositions du projet de loi relatives à la création d’un nouvel article dans le CGCT donnant pouvoir au maire d’infliger une amende administrative à raison des manquements précités, la Haute Juridiction estimait alors que ce pouvoir d’édiction d’une sanction à caractère punitif constituait une innovation importante, et s’analysait comme une mesure nécessaire à l’accomplissement de la mission de police administrative générale des maires.

De plus, le Conseil d’État considérait que ce pouvoir de sanction, dès lors qu’il était circonscrit à des situations précisément délimitées et objectivement constatables, n’apparaissait pas se heurter à un obstacle constitutionnel ou conventionnel, notamment la liberté d’aller et venir sur la voie publique.

Enfin, la Haute juridiction avait également constaté le respect du principe de légalité des délits et des peines ainsi que des droits de la défense, et avait souscrit au dispositif de mise en œuvre prévoyant, notamment, que la sanction soit transmise au représentant de l’Etat au titre du contrôle de légalité et possiblement soumise au contrôle du juge administratif ; de même, la hauteur maximale de la sanction (500 euros) avait été jugée non-disproportionnée tout en revêtant un caractère dissuasif.

Les décisions du Maire prononçant l’amende donneront lieu, à n’en pas douter, à des contentieux ; il conviendra de suivre et analyser, avec attention et intérêt, les premières décisions juridictionnelles à intervenir.

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