Auteur : Solenn Le Douarin | Contentieux administratif – Droit des collectivités territoriales – Droit public général – Fonction publique – Marchés publics
Il n’y a désormais plus de doute, le Président de la République l’a annoncé lundi 16 mars 2020, au lendemain du premier tour des élections municipales, en raison de la crise sanitaire qui touche notre territoire, le second tour de ces élections n’aura pas lieu le 22 mars 2020 et est donc reporté à une date ultérieure.
En ce sens, un décret n° 2020-267 portant report du second tour du renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, initialement fixé au 22 mars 2020 par le décret n° 2019-928 du 4 septembre 2019 a été pris le 17 mars 2020 abrogeant contra legem la date de tenue du second tour de scrutin.
Si la nouvelle date n’est à ce jour pas encore connue (la date du 21 juin 2020 est cependant évoquée sous réserve de l’évolution de la situation), le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 est venu apporter quelques précisions, consacrant son titre 1er aux élections municipales.
→ Le second tour est reporté au plus tard au mois de juin 2020; étant précisé que sa date exacte sera fixée par décret en conseil des ministres ceci afin de prendre en compte l’aléa résultant de la situation actuelle.
Toutefois, le Conseil d’État[1] a émis une importante réserve sur la constitutionnalité du dispositif ainsi instauré dans l’hypothèse ou le second tour de scrutin venait à être reporté au-delà de l’été, ce qui impliquerait leur réitération intégrale pour les deux tours de scrutin.
→ Pour des raisons de sécurité sanitaire, le gouvernement remettra au Parlement, au plus tard le 10 mai 2020, un rapport fondé sur une analyse du comité scientifique placé auprès de lui se prononçant sur l’état de l’épidémie de Covid-19 et sur les risques sanitaires attachés, à la tenue du second tour et à la campagne le précédant.
Ensuite, s’agissant de la composition des conseils municipaux dans cette période transitoire de l’entre-deux tours, le projet de loi répond à plusieurs interrogations :
1. Un candidat élu entre-t-il en fonction immédiatement ou doit-il attendre le lendemain du second tour ?
Les conseillers municipaux et communautaires, les conseillers d’arrondissement et les conseillers de Paris élus au 1er tour, le 15 mars dernier, entrent en fonction immédiatement.
En revanche, dans les communes de moins de 1 000 habitants dans lesquelles le nombre de conseillers municipaux élus au premier tour est strictement inférieur à la moitié du nombre de sièges à pourvoir à l’occasion de ce renouvellement général, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection.
On précisera que le Gouvernement devrait, par texte séparé, prévoir des aménagements pour l’élection des exécutifs locaux avec effet immédiat en réduisant le quorum requis (1/3 des présents au lieu de la moitié), autoriser deux procurations (au lieu d’une seule) et autoriser le vote électronique (théoriquement impossible ici).
2. À quelles conditions les membres de l’ancien conseil municipal restent-ils en fonctions durant l’entre-deux tours ?
L’article L. 227 du code électoral prévoit que, pour toutes les communes, « les conseillers municipaux sont renouvelés intégralement au mois de mars ».
Toutefois, le projet de loi précise qu’il sera dérogé à ce principe et que conserveront leurs mandats jusqu’au second tour :
- Les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour dans les communes où le nombre de conseillers municipaux élus au premier tour est strictement inférieur à la moitié du nombre de sièges à pourvoir. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’au second tour.
- Les conseillers d’arrondissement, les conseillers municipaux et les conseillers de Paris en exercice avant le premier tour dans les secteurs de Paris, Lyon et Marseille où aucun conseiller n’a été élu au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’au second tour.
- Les conseillers de la métropole de Lyon en exercice avant le premier tour.
3. Dans quelles communes de moins de 1 000 habitants peut-il être procédé à l’élection du Maire et de ses adjoints ?
Le maire et le ou les adjoints sont élus dans les communes de moins de 1 000 habitants où au moins la moitié des conseillers municipaux ont été élus au premier tour, dans les conditions prévues à l’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales.
Dans les mêmes conditions, il sera procédé à une nouvelle élection du maire à l’issue du second tour.
4. Quelle représentation au sein des EPCI pour les communes où aucun conseiller municipal n’a été élu ?
Si le nombre de sièges attribués aux communes où aucun conseiller municipal n’a été élu lors du premier tour est supérieur au nombre de conseillers communautaires attribués à la commune, les sièges supplémentaires sont pourvus par élection dans les conditions prévues au b du 1° de l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales selon lequel :
« Les conseillers concernés sont élus par le conseil municipal parmi ses membres (…), sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation, chaque liste étant composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ».
Si le nombre de sièges attribués aux communes où aucun conseiller municipal n’a été élu lors du premier tour, est inférieur au nombre de conseillers communautaires attribués à la commune, les conseillers communautaires de la commune sont élus dans les conditions prévues au c du 1° de l’article L. 5211-6-2 du même code aux termes duquel :
« Les membres du nouvel organe délibérant sont élus par le conseil municipal parmi les conseillers communautaires sortants au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation ».
Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant parmi leurs membres une commune où aucun conseiller municipal n’a été élu lors du premier tour, le président et les vice-présidents sont élus, jusqu’à l’élection mentionnée au dernier alinéa du VI de l’article 1er du projet de loi, dans les conditions fixées aux 2ème et 3ème alinéas de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que :
- Après le renouvellement général des conseils municipaux, l’organe délibérant se réunit au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l’élection des maires.
- Lors de la première réunion de l’organe délibérant, immédiatement après l’élection du président, des vice-présidents et des autres membres du bureau, le président donne lecture de la charte de l’élu local dont le président remet notamment une copie aux conseillers communautaires.
Le dernier alinéa du VI de l’article 1er du projet de loi prévoit en effet que « Le président et les vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre seront élus au plus tard le troisième vendredi qui suit le second tour de scrutin ».
5. Les vacances au sein du conseil municipal donnent-elles lieu à élection partielle ?
Jusqu’au second tour, les vacances constatées au sein du conseil municipal ne donnent pas lieu à élection partielle.
6. Quelles sont les règles applicables à la campagne du second tour des élections municipales ?
La campagne électorale pour le second tour s’ouvrira à compter du deuxième lundi qui précède le tour de scrutin.
Par dérogation à l’article L. 52-4 du code électoral, la durée de la période pendant laquelle le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses en vue de l’élection court à partir du 1er septembre 2019.
Les plafonds de dépenses prévus aux articles L. 52-11 et L. 224-25 du code électoral seront majorés par un coefficient fixé par décret.
Dans les communes de 1 000 habitants et plus et dans les circonscriptions métropolitaines de Lyon, les dépenses liés au coût du papier, l’impression des bulletins de vote, affiches et circulaires, ainsi que les frais d’affichage (deuxième alinéa de l’article L. 242 et deuxième alinéa de l’article L. 224-24 du code électoral) engagés pour le second tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 seront remboursées aux listes et aux candidats isolés remplissant les conditions exigées pour bénéficier des moyens de propagande ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés (article L. 243 et l’article L. 224-24 du code électoral).
Les dispositions de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ne sont pas applicables au second tour de scrutin à l’exception des incompatibilités et inéligibilités résultant de son article 6.
En définitive, si ce projet de loi apporte plus de précisions sur les conséquences du report du second tour de ces élections municipales, particulières compte tenu du contexte, il est rappelé à l’article 2 de celui-ci que :
« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d’adapter le droit électoral jusqu’au second tour ».
En tout état de cause, des décrets devraient très prochainement intervenir pour compléter ces dispositions législatives et préciser davantage le déroulement du second tour des élections municipales.
Notre cabinet est spécialisé en droit public, droit électoral et en droit des collectivités territoriales depuis 20 ans. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus.
[1] CE, 18 mars 2020, « Avis sur un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 », n°399.873 ; CE, 18 mars 2020, « Avis sur un projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 », n°399.878.